Sciences Claires - Prendre des couleurs

Passer par toutes les couleurs


Passer par toutes les couleurs

Par Franck Stevens


Article mis en ligne le 14/07/15
Dernière mise à jour le 14 juillet 2015 à 20h40
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L'été est de retour : l'occasion rêvée de profiter d'un repos bien mérité et de se dorer la pilule au soleil ! La bronzette est toutefois loin d'être le seul moyen de prendre couleurs et de faire peau neuve...

« Peau blanche », « peau noire » : nous avons une fâcheuse tendance à réduire la couleur de notre épiderme à des extrêmes, qu'elle n'atteint pourtant jamais vraiment. C'est d'autant plus absurde qu'elle peut pourtant, sous l'effet de facteurs divers, adopter à peu près n'importe quelle teinte autre que celles-là !

Le bronzage est le plus évident de ces facteurs : lorsque nous exposons au soleil, notre peau produit davantage de mélanine, un pigment

Un pigment est une substance chimique qui colore le milieu dans lequel elle se trouve en absorbant préférentiellement la lumière de certaines couleurs.

de couleur brune, afin de se protéger de l'effet nocif des rayons UV. C'est ce même pigment qui est responsable des différentes colorations de peau innées : grâce à la sélection naturelle, les gens originaires de régions où les rayons UV sont les plus intenses ont dès la naissance une peau plus riche en mélanine, ce qui explique par exemple que les gens originaires de l'Afrique subsaharienne aient globalement le teint plus foncé que ceux des pays nordiques.

Carte des couleurs de peau moyennes des personnes originaires de différentes régions du monde (valeurs exprimées sur l'échelle de Von Luschan).
Image : Creative Commons BY-SA 3.0

Mais notre bronzage et nos origines ethniques ne sont pas les seuls facteurs qui influencent notre couleur de peau, loin de là ! D'autres facteurs divers, comme des maladies, peuvent nous en faire voir de toutes les couleurs. Vous connaissez par exemple certainement l'albinisme, une maladie congénitale qui fait que le corps produit trop peu, ce qui se traduit par une peau anormalement pâle.

Tout d'abord, il existe des produits développés spécifiquement dans le but de la modifier, comme les autobronzants... qui portent pour la plupart très mal leur nom. Plutôt que de favoriser la production de mélanine, il s'agit en effet souvent de composés qui réagissent avec les acides aminés de nos cellules de peau mortes pour créer des pigments bruns, donnant ainsi temporairement à la peau un aspect bronzé sans pour autant offrir la moindre protection contre les rayonnements UV.

Prudence, donc : autobronzant ou non, sans mélanine pour la protéger, votre peau risque en effet d'être brûlée par les rayons UV, devenant rouge et douloureuse : c'est le coup de soleil !

Pour rester au rayon des causes évidentes de changements de couleurs de peau passagers, nous savons tous que notre état émotionnel peut affecter notre teint. Si on rougit de honte, si l'on s'empourpre de colère ou si l'on blêmit de peur : au plus grand est l'afflux de sang vers notre visage, au plus rouge il devient. À l'inverse, des troubles de la circulation sanguine peuvent mener à une peau anormalement pâle, et un sang anormalement pauvre en oxygène peut même donner à la peau une teinte bleutée : on parle de cyanose.

C'est également le sang qui est responsable de la coloration des « bleus », des yeux au beurre noir et des autres contusions en tous genres. Sous l'effet d'un choc, les vaisseaux sanguins situés sous la peau peuvent se rompre et laisser le sang se répandre dans les tissus environnants, donnant rapidement à la peau une coloration rougeâtre. La dégradation progressive des protéines qu'il contient, comme l'hémoglobine, va ensuite produire une série de pigments colorés, en particulier la biliverdine (verte) puis la bilirubine (jaune), d'où la série de couleurs étranges par lesquelles passent les bleus avant de disparaître.

Mais tout cela n'est rien en comparaison de l'effet que peuvent avoir certaines maladies sur notre teint. Gardons l'exemple de la bilirubine : naturellement produite par notre corps, elle est en principe éliminée dans les selles et l'urine (dont elle participe à la coloration). Des problèmes de santé divers peuvent toutefois mener à son accumulation dans le sang, donnant une coloration jaunâtre au blanc des yeux puis à la peau dans son ensemble : c'est la jaunisse !

De gauche à droite : albinisme, cyanose du pied droit (due à un caillot bloquant l'arrivée de sang et donc l'apport d'oxygène) et jaunisse.
Images : Domaine public

Et cela ne s'arrête pas là. L'argent ne fait pas le bonheur et en avoir trop peut nuire à la santé, comme peuvent en témoigner les personnes souffrant d'argyrie : un excès d'argent (l'élément chimique) dans l'organisme peut donner un aspect bleu grisâtre à la peau ! Ne jetez pas pour autant l'argenterie de mamie à la poubelle : ce trouble touche avant tout les ouvriers susceptibles d'inhaler de l'argent dans le cadre de leur travail et les hurluberlus qui consomment régulièrement de faux remèdes miraculeux à base d'argent.

Autre maladie, autre couleur : « chlorose », « anémie essentielle des jeunes filles » et « maladie des vierges » étaient autant de noms donnés à certaines formes d'anémie en raison du teint pâle et verdâtre qu'elles peuvent entraîner. Pour la petite histoire, on a longtemps cru qu'elle était caractéristique des vierges et des veuves et qu'un mariage suffisait à la guérir d'un coup de baguette magique...

Enfin, à défaut d'avoir la main verte, une alimentation trop riche en certains légumes peut vous donner un teint jaune : la consommation excessive d'aliments riches en caroténoïdes comme les carottes, les tomates ou les oranges peut vous donner le teint... orange (on parle de caroténémie). Les végétariens et les jeunes enfants sont les plus souvent touchés par ce trouble bénin, qui se manifeste surtout au niveau du nez et des paumes des mains et des pieds.

De gauche à droite : exemple d'argyrie, d'anémie et de caroténémie
Images : Today News, Licence Creative Commons BY-SA 3.0 et Université de Chicago

En bref, « avoir le teint maladif » veut tout et rien dire à la fois : selon les circonstances, notre corps peut nous en faire voir de toutes les couleurs ! Tout n'est donc pas tout blanc ou tout noir et il faut non seulement voir la peau en nuances de rose, de crème et de marron, mais aussi de rouge, d'orange, de jaune, de vert, de bleu et de violet. « Passer par toutes les couleurs de l'arc-en-ciel » n'est pas qu'une métaphore colorée !


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                   Auteur(s) : Franck Stevens

                   Catégorie : Article

                   Discipline(s) : Médecine


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