Sciences Claires - Hélium du cri du canard au superfluide

Hélium : du cri du canard au superfluide


Hélium : du cri du canard au superfluide

Par Franck Stevens


Article mis en ligne le 14/04/13
Dernière mise à jour le 03 novembre 2013 à 17h36
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C'est l'ingrédient incontournable des ballons de foire et de l’imitation de palmipèdes : je veux bien sûr parler de l’hélium. Un gaz aux caractéristiques étonnantes qui va peut-être bientôt venir à nous manquer…

Ce n’est pas sa propriété la plus étrange, mais c’est sans doute la plus célèbre : respirer de l'hélium donne une voix de canard. Ce gaz étant plus léger que l’air, les sons s’y propagent en effet plus rapidement, ce qui augmente leur fréquence – en d'autres termes, cela les rend plus aigus. De la même façon, remplir vos poumons avec un gaz beaucoup plus lourd que l'air (typiquement, de l'hexafluorure de soufre {$ SF_6$) peut vous donner un timbre plus grave. L’idéal si vous souhaitez chanter du Barry White ou annoncer à votre fils perdu que vous êtes son père !


Adam Savage de Mythbusters inhale de l'hélium puis de l'hexafluorure de soufre
Vidéo : Mythbusters, Discovery Channel

Évitez toutefois d'inhaler n'importe quelle substance pour en mesurer l'effet sur votre voix : même s'il peut (comme tout autre gaz) provoquer la mort par asphyxie si on le respire trop longtemps en lieu et place d'oxygène, l'hélium présente l’avantage non négligeable de ne pas être toxique. Il est en effet considéré comme « inerte », c’est-à-dire très peu susceptible de participer à des réactions chimiques, caractéristique qu'il partage avec la plupart des autres éléments chimiques de sa famille, les « gaz nobles », ou « gaz rares ».

Ce nom de « gaz rare » peut toutefois paraître ironique dans le cas de l'hélium puisqu’il s’agit du second élément le plus abondant dans l’univers (environ 24% de la masse de l’univers visible), juste après l’hydrogène (74%) ! Ces deux éléments sont en effet les plus simples qui puissent exister, ce qui leur a permis de se former spontanément à partir de la soupe bouillante de neutrons, de protons et d’électrons qui composait l’univers quelques minutes après le Big Bang. La plupart des autres éléments chimiques ont quant à eux été formés au cours des milliards d'années qui ont suivi par des réactions de fusion nucléaires qui ont lieu au cœur des étoiles, qui sont elles-mêmes majoritairement composées d'hydrogène et d'hélium.
Abondances naturelles des éléments chimiques
Abondance relative des éléments chimiques en fonction de leur numéro atomique
Images : Wikimedia Commons

C'est d'ailleurs alors qu’il étudiait notre étoile que le Français Jules Janssen a découvert l'hélium en 1868, d'où son nom inspiré d'Hélios, dieu solaire de la mythologie grecque. Il a toutefois fallu attendre plus de quinze ans pour que l’on s’aperçoive que l'hélium existait également sur Terre, ou plus exactement sous terre : on le trouve notamment mélangé au « gaz naturel » (du méthane) dans d’énormes poches souterraines. L’hélium n’est par contre présent qu’en très petite proportion dans notre atmosphère : à conditions égales, il est environ sept fois plus léger que l'air, si bien qu'il a naturellement tendance à s'élever, à s'élever et... à s’échapper dans l'espace !

Or, le seul processus naturel terrestre qui génère de l’hélium est la désintégration spontanée de certains éléments radioactifs, qui n’en produit qu’une quantité modeste. Les ressources en hélium de notre petite planète sont donc limitées, ce qui pousse de plus en plus de scientifiques à tirer la sonnette d’alarme : vu la vitesse à laquelle nous consommons l’hélium actuellement, il n’en restera plus dans trente ans !

Au-delà de son utilisation dans les ballons de foire et les dirigeables, l’hélium a pourtant des applications variées. Il joue par exemple un rôle crucial dans le domaine de la cryogénie (et plus particulièrement dans le refroidissement des aimants utilisés en IRM), mais aussi dans de nombreux domaines industriels qui impliquent des éléments sensibles ne pouvant être exposés à l’air ou encore en plongée, où on l’utilise comme substituant partiel de l'azote dans les bonbonnes d’air pour limiter les effets de l'ivresse des profondeurs.
Applications de l'hélium
Quelques-unes des nombreuses applications de l'hélium
Images : Wikimedia Commons

Ces utilisations de l’hélium sont motivées par ses caractéristiques privilégiées puisqu’en plus d’être léger et inerte, il conduit particulièrement bien la chaleur et reste sous forme gazeuse même à basse température. Sa propriété la plus épatante est toutefois à mon humble avis celle qui se manifeste lorsqu’on le porte à très basse température, à deux degrés à peine au-dessus du zéro absolu (soit –271°C), car il se métamorphose alors soudain en un « superfluide ». Ne comprenez pas par là qu’il enfile soudain un costume en latex et une cape, mais plutôt qu’il se transforme en un liquide dépourvu de viscosité : il devient alors non seulement capable de s’écouler plus efficacement que n’importe quel liquide, mais aussi de défier la gravité pour « grimper » le long des parois du récipient qui le contient pour s’en échapper !

Que ce soit en quittant l’atmosphère sous sa forme gazeuse ou en escaladant les murs de son prison sous forme de superfluide, l’hélium a donc une tendance naturelle à vouloir jouer les filles de l’air. N’hésitez pas à partager ce fait étonnant de votre voix la plus nasillarde la prochaine fois que vous inhalerez de l’hélium pour épater vos amis, mais gardez en tête que ce faisant, vous gaspillez un gaz qui vaudra sans doute bientôt son poids (certes modeste) en or…

Propriétés étranges de l'hélium superfluide
Vidéo : BBC


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                   Auteur(s) : Franck Stevens

                   Catégorie : Article

                   Discipline(s) : Chimie, Physique


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